Erick Derac occupe parmi les jeunes artistes qui s'intéressent aujourd'hui au paysage urbain une place originale.
À l'heure où les expériences de recréation de l'espace passent par des procédures numériques savantes qui tendent souvent à dissimuler les traces du travail, il se distingue au contraire par des montages plastiques dont les sutures et la matière sont visibles.
Sa pratique chirurgicale de la photographie met à jour une réflexion sur l'espace, sur la façon de le représenter en deux dimensions, sur la perspective.
Gabriel Bauret - 2002
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(...) La création artistique anticipe souvent sur différents domaines de la recherche scientifique. La photographie contemporaine s'est donnée ainsi depuis une dizaine d'années les moyens plastiques de concurrencer, sur leur terrains, sciences humaines et philosophie.
Des stratégies complexes s'y emploient quitte à prendre les détours d'une poétique.
A la phrase du poète En ville on ne voit pas les virgules entre les maisons ce qui en rend la lecture si difficile, Erick Derac répond par ses séries de Chantiers et de Contaminations.
Ce rapprochement semble nous inciter à considérer ses ensembles de grands tirages couleurs comme les éléments d'une grille d'interprétation urbaine qui en constituerait une poétique.
Cependant, les démarches en ce domaine depuis vingt ans nous obligent à le situer plus précisément dans cette tradition. Refusant les diktats esthétiques de la Mission Datar (France 1984) estimant qu'un paysage en cette fin de vingtième siècle ne pouvant être photographié qu'à la chambre grand format, Tom Drahos avait le premier travaillé la matière de la banlieue à grands à-plats multicouches créant ses sculptures d'ektachrome.
Récemment les travaux d'architecture d'Andréas Gursky et notamment sur les barres de Montparnasse puis l'ensemble des tableaux de Stéphane Couturier constituent des modèles de frontalité au rendu pictural. Erick Derac se situe entre ces deux pôles de la création.
Les deux temps de son travail en sont le garant. Un premier ektachrome composé sur de puissantes lignes de force réorganise les sites urbains qu'il sélectionne pour leur diversité de situation. Le corpus qu'il constitue se qualifie autant par le choix de lieux transitoires que par cette variété où le rapport frontal n'apporte pas le même abord.
Une extrême tension se manifeste toujours dans ses compositions que renforce la partition colorée. Il intervient ensuite selon une logique de contamination d'abord par l'ajout d'à-plats géométriques qui balisent l'image tout autant qu'ils la prolongent dans l'imaginaire.
Dans ses plus récentes séries, des découpes anthropomorphes de gélatines de couleur viennent flotter dans l'espace de l'image sans logique de gravité ni d'occupation spatiale. Dans une tout autre esthétique on peut rapprocher cette intervention dont Gursky insère les figures humaines dans un paysage disproportionné.
Là où le grand artiste allemand opère sur le microscopique le photographe français intervient dans la surdimension. Dans les deux cas, le questionnement plastique de la notion d'échelle montre l'humain en décalage corporel et mental avec la ville. Il y apparaît même comme un virus, en cela Derac rejoint les préoccupations affirmées par Lewis Balz dans ses oeuvres monumentales des cinq dernières années, sous l'impact de ces agressions de formes virales, la texture urbaine tend à se déliter. Elle résiste encore en tant que résidu-image dans ses formes les plus massives.
Mais les forces concomitantes d'écriture, de pseudo corps et de formes plus biologiques ne tardent pas à avoir raison de cette résistance. C'est que ces oeuvres n'instaurent pas seulement un espace autonome où le lecteur peut expérimenter ses propres craintes et fantasmes. Elles le ramènent comme le note l'auteur à une image du désordre de la pensée dans un temps expérimental T qui n'est plus .
Dans de tout récents travaux , l'introduction inter-couches d'insectes réels déplace encore cette offensive en la généralisant. Dès lors nous assistons à une sorte d'épidémie neuronale qui attaque la matière même de la ville. Parce que ces lieux sont en attente de redéfinition, la projection de scories mentales que revendique le photographe nous porte à rapprocher cette poétique plastique d'une approche de la psychotopologie dont parle Hakim Bey comme seule capable de produire des cartes de la réalité.
Christian Gattinoni - 2000
(Article paru dans le catalogue Jeune Création - Editions Jeune Création, Paris, Avril 2001)
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Érick Derac déambule et explore l'espace urbain en poussant jusqu'à la parodie le terme de Chasseur- d'images cher aux photographes.
Mais au lieu d'être rangés dans un superbe portfolio, soigneusement tirés sur un beau papier, ses trophées de chasse ne sont qu'unematière de base qui sera réexaminée, disséquée, contaminée, transformée et enfin livrée aux regards, accrochée sur un mur.
L'artiste procède manuellement en fragmentant, réorganisant l'image.
Tel un chirurgien, il intervient directement sur le corps de l'image. L'ektachrome est passé au scalpel, suturé par des adhésifs, greffé à des éléments étrangers au film. Par calques successifs, à l'instar du logiciel Photoshop, l'artiste sélectionne, découpe, substitue des fragments du réel pour se l'approprier et le réinterpréter. On comprend bien que tous les accidents, poussières et réactions chimiques qui adviennent lors de ce processus, seraient quasiment impossibles par voie numérique.
On sent ainsi dans la pratique d'Érick Derac une certaine défiance envers l'outil mécanique ou informatique qui est tenu à distance et toléré en tant que simple enregistreur d'un espace-temps, forcément tronqué et incomplet.
Tout le hors-champ dont l'artiste est porteur vient donc se révéler en aval, et ce réel, que l'on dit objectif, est alors littéralement contaminé, comme l'indique le titre, y compris par des substances chimiques.
Tous ces lieux en latence, en attente de redéfinition, sont également répertoriés dans une autre série, intitulée Arrangements.
Les éléments incorporés au corps de l'image dans les Contaminations (adhésifs,plastiques, laques, etc.), se trouvent ici dans l'image-même.
Une légende, intégrée à la photographie, cite ces objets comme s'ils faisaient partie d'une installation. Et pourtant, le spectateur n'est pas dupe : c'est par la découpe de son regard que l'artiste propose « l'installation ».
ANNA GREGOIRE (Paris-Arts) - 2002.
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FORMATION
1989 - 1994
École Régionale des Beaux-Arts de Nantes,[D.N.S.E.P]
1988 - 1989
I.C.P.A., International College of Photographic Arts, école de photographie de Cahors.
EXPOSITIONS PERSONNELLES
2014
« Espaces », Artyfact lab galerie, PARIS.
Espace\\Couleur\\Temps, Little Big Galerie, PARIS.
2012
« L'art est dans la ville », Maison des projets, VITRY-SUR-SEINE.
« Je & un autre », Théâtre de l’Etoile du Nord, PARIS. [programmation off du mois de la photo 2012]
2011
CHIC Art Fair, Agence Révélateur, PARIS.
2010
« Ce qui les rapprochait alors… » Galerie Charlotte Norberg, PARIS.
2009
Slick Dessin, foire d’art contemporain, galerie Defrost (Paris) et Galerie Duplex (Toulouse), PARIS. [catalogue]
2008
- Manipulated, composed and designed, Musée Géo-Charles, ÉCHIROLLES . [catalogue]
- Galerie Duplex, TOULOUSE.
- Galerie Defrost, PARIS.
- Manipulated, composed and designed, Galerie municipale, VITRY. [catalogue]
2006
- Galerie Defrost, PARIS.
- Galerie Georges Bessière, NOIRMOUTIER.
2005
- Triptyque, galerie Gaultier, Hôtel de Ville, ANGERS. [catalogue]
2004
- Psycho-topo-graphie, espace Allende, Université Libre de Belgique, BRUXELLES.
- Art Event, galerie Georges Bessière, LILLE. [catalogue]
2003
- Galerie l’Usine, BRUXELLES.
- Galerie d’art de CRETEIL.
- Abbatiale BERNAY. [catalogue]
- Galerie Les Cimaises, Aéroports de Paris, ORLY
2002
- Galerie l'Usine, BRUXELLES, BELGIQUE.
- Hôtel d'Arlatan, Rencontres Internationales de la Photographie, ARLES.
2001
- Galerie Patrick Gaultier, QUIMPER.
- Galerie d1art immédiat, PARIS.
1998
- Confrontations, Le Temple du Goût, NANTES.
1996
- Le génie du Lieu, Médiathèque,TAVERNY.
EXPOSITIONS COLLECTIVES (Sélection)
2015
ArtFloor - In Situ, PARIS.
2014
Espaces, Artyfact lab galerie, PARIS.
2012
L’art est dans la ville, Maison des projets, VITRY-SUR-SEINE.
Je & un autre, Théâtre de l’Etoile du Nord, PARIS.
2011
CHIC Art Fair, Agence Révélateur, PARIS.
2ème Biennale d’art contemporain, Vincennes.
2010
CHIC Art Fair, Galerie Charlotte Norberg, PARIS.
Carne 2010, divers lieux, 19ème arrondissement, PARIS
Ce qui les rapprochait alors…, Galerie Charlotte Norberg, PARIS.
2008
- Slick 2008, foire d’art contemporain, galerie Defrost, PARIS. [catalogue]
- « Conversations ininterrompues » acquisitions récentes, Musée Géo-Charles, ÉCHIROLLES
2007
- Photo Miami 2007, "The New Art Project", Miami (U.S.A).
2006
- Galerie Defrost, PARIS.
2005
- Zweiter Berliner KunstSalon - Art Forum, BERLIN, ALLEMAGNE. [catalogue]
- “Du sgraffite au graffiti”, Maison des Arts de Schaerbeek, BRUXELLES, BELGIQUE. [catalogue]
- “POESIES URBAINES”, Centre Iris pour la photographie, PARIS.
2004
- Galerie l’Usine, BRUXELLES, BELGIQUE.
- "à plus - junge Kunst aus Frankreich", Kolonie Wedding, BERLIN. [catalogue]
- 5èmes rencontres photographiques de Sud - Gironde, LANGON.
- "Le dessus des cartes", ISELP, BRUXELLES. [catalogue] (avec Wim Delvoye, William Kentridge...)
- International Fotofestival Knokke-Heist, KNOKKE, BELGIQUE.
- "Modernités 2004", théatre du rond point des Champs Elysées, PARIS. (avec F. Hybert, P. Sorin, R. Fauguet, D. Schlier, M. Newson...)
- Galerie Benoot, OOSTENDE, BELGIQUE
2003
- Jeune Création 2003, Grande Halle de la Villette, PARIS.[catalogue]
2002
- FNAC des Ternes, FNAC Attention Talent photographie,PARIS. [catalogue]
- ISHIYACHO Gallery, Hors les Murs, TOKYO & OSAKA, JAPON.
- Visions Urbaines, Maison des artistes, CHARENTON-LE-PONT.
- Jeune Création 2002, Grande Halle de la Villette, PARIS. [catalogue]
- Start 2002, galerie Gaultier, Foire d'Art Contemporain de STRASBOURG.
2001
- Galerie Benoot, KNOKKE, BELGIQUE.
- Un certain regard sur la nature,abbatiale BERNAY. [catalogue]
- Exposition d'Art Contemporain de la ville d'ANGERS. [catalogue]
- Festival Off des Rencontres Internationales de la Photographie, ARLES. [catalogue]
- Hira museum, IWAKURA, JAPON.
- Jeune Création 2001, Grande Halle de la Villette, PARIS.[catalogue]
- Jeune Création, Espace du Grand Cordel,RENNES.
- Galerie d.i.s.t.i.l.l.e.d, PARIS.[catalogue]
- Chirurgie plastique, du corps à l'âme,ancien hôpital d'Ixelles, BRUXELLES.
2000
- Exposition d'Art Contemporain de la ville d'ANGERS.[catalogue]
- Galerie d.i.s.t.i.l.l.e.d, PARIS.
- Biennale Internationale d'Art Contemporain
- Le Manif, NÎMES.[catalogue]
- Jeune Création 2000, espace Eiffel - Branly, PARIS. [catalogue]
DISTINCTIONS
- Lauréat dotation Photo Service, Rencontres Internationales de la - Photographie, ARLES, juillet 2002.
- Mention Spéciale, FNAC Attention Talent,PARIS, juin 2002.
- Nomination pour le prix du Festival Off des Rencontres de la Photographie, ARLES, juillet 2001.
- Bourse Jeune Plasticien, Service Culturel du département du Val de Marne. Créteil, juin 2001.
- Membre de l'agence PAYSAGE(S), PARIS.
COLLECTIONS
- Acquisition pour les collections de la ville, Angers, 2000.
- Bibliothèque Nationale de France,Département estampes et photographie. Paris, 1997.
- Collections privées : France, Belgique,Etats unis, Japon.
PUBLICATIONS (Sélection)
- Article Anna Grégoire, rubrique nomades, Paris-Art, réd. en chef : André Rouillé, décembre 2002, PARIS.
- Regard critique Christian Gattinoni,catalogue Jeune Création 2001, mars 2001, PARIS.
- Portrait vidéo, rédaction du magazine fluctuat,www.fluctuat.net, février 2002, PARIS.
- Interview, émission systole, radio première, février 2001,BRUXELLES, BELGIQUE.