Pendant que notre monde s’embrouille en agitations frénétiques, non loin de là, le temps glisse dans un engourdissement infini. Belle, sauvage, extrême, stérile, mortelle, originelle, immuable, la lune attend. Même si, suprême vanité, les hommes y laissent leurs traces, la compagne éternelle de nos regards et de nos rêves patiente en silence, comme toutes les planètes, comme toutes les étoiles. Pour nous, humains, l'image maîtresse c’est celle de la terre vue à plusieurs milliards de kilomètres de distance par la sonde Voyager 1. Il s’agit juste d’un point minuscule et pâle, semblable à une étoile lointaine, perdu au milieu du vide obscur. Il est très troublant de savoir avec certitude que nous vivons sur une grosse pierre qui tourne autour d'une étoile située à l’orée d'une galaxie semblable à des milliards d’autres. Nous oublions trop facilement que nous faisons partie de l'univers. D. Emard 2014 " Look again at that dot. That's here. That's home. That's us. On it everyone you love, everyone you know, everyone you ever heard of, every human being who ever was, lived out their lives...” « Regardez encore ce petit point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Sur lui se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu…»
Carl Sagan 1994 Extrait de “Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space”
Actualité : http://www.huffingtonpost.fr/georges-ranunkel/peinture- emard_b_1966582.html
SERIE VUES DU CIEL
Mes toiles « vues du ciel » sont élaborées à partir de photographies issues de satellites d'observation ou de web-cams. J'ai toujours porté un intérêt particulier à la géographie, les cartes et les atlas. C'est donc très naturellement que je collecte ces images sur le web, là où elles se développent et pullulent par millions. Elles me servent à ébaucher la structure de mes tableaux et à en donner la tonalité d'ensemble. Ensuite mon travail consiste à interpréter librement ces photographies, à digérer leur froideur et leur inhumanité et à mettre en lumière leurs évidences et leurs paradoxes. Par le biais de l'épaisseur de la peinture et le jeu de la couleur, je leur attribue une matérialité qu'elles ne possédent pas. J'aime également jouer avec leur échelle, ce qui me permet de mettre en oeuvre petits et grands formats, de confronter vides et pleins, et d'avancer sur la frontière nébuleuse; figuration/abstraction.
En règle générale, mon choix se porte sur les villes ou sur les traces de notre civilisation humaine. Mais, je ne sélectionne pas au hasard; il faut que l'image retenue possède un intérêt graphique et qu'elle soit liée de près ou de loin à une émotion personnelle ayant pour base un texte, un film, une musique, un souvenir, une « sensation géographique » ou un contexte géopolitique
Dominique Emard
SERIE STREET VIEWS
Choisir un point, descendre, regarder, avancer, glisser, pivoter, reculer, quitter, oublier et recommencer… Plus loin, toujours plus loin.
Street View c’est cette fonction de Google Maps qui permet de « circuler » dans n’importe quelle rue/route d’une soixantaine de pays de la planète. Pour cela il suffit d’un innocent glissement de souris…
On est aspiré instantanément, puis parachuté sur le terrain de manière militaire en trois secondes. Rien à voir avec le vol plané d’un oiseau. Pour ma part ce que j’éprouve à ce moment-là n’est pas une douce sensation animale, mais plutôt un rudoiement suivi d’un bref vertige nauséeux. C’est une descente froide et technologique qui se répète de manière identique autant de fois que je la sollicite.
Aussitôt après l’atterrissage survient l’instant transitoire où l’image se constitue par l'intermédiaire d'une série de contorsions maniérées, de grimaces et d'étirements colorés.
C’est le moment précis où cette clownerie intéresse la peinture.
Encore mystérieuse, fragile et imprévisible, l’image exhibe sa nudité numérique. Elle dévoile brièvement à qui sait le voir, son corps interne, entrailles d’un organisme charnel et joyeux. On assiste ravi à un feu d’artifice à rebours.
Ensuite, devenue nette, l’image se révèle banale, parfois intéressante, mais souvent décevante. On avance en espérant mieux, provoquant une nouvelle série de facéties colorées. Mais notre œil reste en cage, embarqué à bord d’une Cadillac hollywoodienne où le monde défile par des fenêtres truquées. On est immobile, juste un peu balloté. On erre dans un road movie infini hanté par des acteurs sans visages, muets et figés. Il n’y a pas de scénario, juste une volonté immédiate d’action dans un monde atemporel. En marge, il y a le grain de l'asphalte, l'herbe du talus ou les façades hermétiques, les collines au loin qu’on ne peut ni toucher ni atteindre.
Assurément on ne fait pas partie du paysage.
Si je m'échappe, c'est uniquement par le haut, vers la carte, vers moi-même, vers le réel.
Etudes d’arts plastiques à l’IAV d’Orléans D N S E P en 1986
Expositions collectives :
Paris, Lille, Bruxelles,Versailles, Rouen, Arras…
Nombreuses expositions personnelles depuis 1999 :
Orléans, Beaugency, Vendôme, Tulle, Brive… (Prix Lefranc-Bourgeois au salon des AO 2003)
Assemblages d’objets observés, imaginés ou rêvés, évocations d’espaces urbains issus d’images électroniques ; dans tous les cas, il s’agit de tenter de capter l'essence des choses, d'extraire d'entre les rumeurs persistantes du monde, le silence dont il est (dont nous sommes) issu (s).
Collections privées:
Allemagne,
Belgique, Etats-Unis, France, Pays-Bas.